Qualification d’un équipement propre, il faut tenir compte des usages futurs prévus par le document d’urbanisme

Conseil d’État, 30 décembre 2021, Société Ranchère, n°438832 (B)

(…) Il résulte de ces dispositions que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15 précité, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Il en va de même pour les équipements que la collectivité publique prévoit, notamment dans le document d'urbanisme, d'affecter à des besoins excédant ceux du projet de construction.

Une commune a accordé un permis de construire et a mis à la charge de la société à laquelle le permis de construire a été accordé puis à celle à laquelle le permis de construire a été transféré le paiement du coût de construction de la voie qui dessert le projet depuis une route départementale.

À ce stade, cette route ne dessert que ce projet.

Cependant, cette route est large et est aménagée d’une manière qui préfigure une voie structurante puisqu’elle doit être prolongée et relier une seconde voie départementale pour servir de jonction à ces deux routes. De plus, elle était ainsi prévue dans le projet d’aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d’urbanisme (PLU).

La cour administrative d’appel s’est fondée sur le fait que cette route avait été construite dans le seul but de desservir les constructions autorisées par le permis de construire pour considérer qu’il s’agissait d’équipements propres au sens de l’article L. 332-15 du code de l’urbanisme et a donc rejeté la contestation de la mise à sa charge des frais de construction de cette route par la société.

À la date à laquelle l’arrêté a été signé, ce devait être vérifié : la route ne visait qu’à permettre la desserte de ces terrains, cependant la configuration de cette route indique qu’elle anticipe les autres besoins futurs, lesquels sont, de plus, anticipés et planifiés par l’autorité administrative puisque la route figure dans le PADD du PLU.

Le Conseil d’État rappelle, conformément à Conseil d’État, 17 mai 2013, Société Isère Développement Environnement, n°337120, (B) qu’un équipement propre doit présenter des caractéristiques et être dimensionné pour répondre aux seuls besoins de la ou les constructions permises par l’autorisation d’occupation des sols.

Si l’équipement excède ce seul besoin, il n’est pas un équipement propre et ne peut pas être mis à la charge du pétitionnaire, même partiellement.

Or, une route affectée à un usage de circulation générale répond à des besoins qui excèdent la seule desserte du projet (Conseil d’État, 18 mars 1983, M. et Mme Plunian, n°34130 (A)).

Cette route ne pouvait donc pas être qualifiée d’équipement propre.

Le juge précise ici qu’un équipement que le document d’urbanisme prévoit d’affecter à d’autres usages (elle est qualifiée de “voie primaire structurante” dans le PADD) que ceux qui seront autorisés par l’autorisation d’occupation du sol concernée ne saurait être qualifié d’équipement public et être mis à la charge du pétitionnaire.

En d’autres termes, le juge doit tenir compte des prévisions qui figurent dans le document d’urbanisme, même si à la date à laquelle il doit apprécier les faits, l’équipement n’est bâti que pour satisfaire une seule opération.

Crédit photo: Hert Niks

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