Mention des délais et voies de recours dans le cadre d’un recours indemnitaire et ses suites

Conseil d’État, 27 décembre 2021, M. D., n°432032 (B)

3. Il résulte de ces dispositions que le délai pour présenter un recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, soit dans la notification de la décision rejetant la réclamation indemnitaire préalablement adressée à l'administration si cette décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la réclamation l'ayant fait naître, si elle est implicite.

4. En particulier, lorsque, à la suite d'une décision ayant rejeté une demande indemnitaire en mentionnant les voies et délais dans lesquels pouvait être introduite une action indemnitaire et ayant, ainsi, fait courir le délai de recours contentieux, le demandeur forme, avant l'expiration de ce délai, un recours gracieux contre cette décision, le délai de recours pour former une action indemnitaire, interrompu par le recours gracieux, ne recommence à courir qu'à compter, soit de la notification d'une nouvelle décision expresse de refus mentionnant les voies et délais d'un recours indemnitaire, soit, en cas de silence de l'administration, à compter de la naissance de la décision implicite qui en résulte, à la condition que l'accusé de réception du recours gracieux ait mentionné la date à laquelle cette décision implicite était susceptible de naître, ainsi que les voies et délais de recours qui lui seraient applicables.

Il est ici indispensable de repartir des textes dont les juges font application. Ils sont malheureusement nombreux et l’ensemble est donc un peu long :

L’article L. 110-1 du code des relations entre le public et l’administration dispose :

Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l'administration.

Au titre du premier alinéa de l’article L. 112-3 du même code :

Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception.

L’article L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration dispose :

Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation.
Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite.

Le dernier alinéa de l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration précise à propos de l’accusé de réception prévu à l’article L. 112-3 cité plus haut :

Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. Dans le second cas, il mentionne la possibilité offerte au demandeur de se voir délivrer l'attestation prévue à l'article L. 232-3.

Le premier alinéa de l’article R. 421-1 du code de justice administrative dispose :

La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.

Enfin, l’article R. 421-5 du même code précise :

Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

Ces textes se conjuguent ensuite assez logiquement à propos de la décision qui s’ensuit et en l’absence de recours gracieux : soit l’accusé de réception mentionne les délais et voies de recours, soit la décision de rejet expresse le fait.

Le paragraphe 4 a trait à l’hypothèse d’une décision de rejet qui a bien précisé les délais et voies de recours et qui a donc fait courir normalement ces délais de recours.

Dans ces délais de recours contentieux, un recours gracieux est formé, ce qui a pour effet d’interrompre le délai de recours contre le rejet opposé au recours indemnitaire, jusqu’à la naissance d’une nouvelle décision sur ce recours gracieux.

Les délais ne recommencent alors à courir qu’à compter soit d’une nouvelle décision expresse, qui indique les voies et délais de recours, soit d’une décision tacite à la condition que l’accusé de réception de ce recours gracieux précise bien les délais et voies de recours.

À l’inverse donc, si l’autorité administrative s’est appliquée dans le cadre du recours indemnitaire et a notifié toutes les informations mais que dans le cadre du recours gracieux, elle ne précise pas les délais de recours, alors l’interruption des délais de recours contentieux va continuer d’agir.

Il convient de rappeler qu’il n’y a pas de délai Czabaj en matière indemnitaire (Conseil d’État, 17 juin 2019, Centre hospitalier de Vichy, n°413097, (A)).

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