Permis modificatif et loi Littoral ou Madame Bloch va à la mer

Conseil d’État, 10 octobre 2022, Société Territoires Soixante-Deux, n°451530, B :

4. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'autorisation initiale.

5. Ainsi, le juge administratif saisi de la contestation de la légalité d'une autorisation d'urbanisme initiale ayant fait l'objet d'une autorisation modificative doit, pour apprécier s'il y a lieu le respect par le projet des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ou, depuis le 1er janvier 2016, de l'article L. 121-8 de ce code, rechercher si, à la date de la délivrance de l'autorisation modificative, les constructions projetées se trouvent en continuité avec des zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions.

Le Conseil d’État fait un rappel condensé du caractère régularisateur du permis modificatif.

Je vais en faire un rappel nécessairement trop succinct.

Ainsi, si le permis initial est vicié, soit en raison d’un vice de procédure, soit en raison d’un vice de fond, il peut faire l’objet d’une régularisation par le biais d’un permis modificatif (Conseil d’État, 2 février 2004, SCI Fontaine de Villiers, n°238315, B).

C’est la régularisation ex ante, c’est-à-dire avant que le juge n’ait à se prononcer sur la légalité du vice, les moyens soulevés à l’égard de ce vice, régularisé à la date à laquelle le juge se prononce, rend les moyens le visant inopérants.

La régularisation ex post est l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme qui permet au juge de relever la présence d’un vice, mais de permettre au pétitionnaire de le corriger par le biais d’un permis modificatif qu’il lui appartiendra de produire dans le cadre de l’instance, ce qui permettra au juge d’écarter le moyen.

Dans le premier cas, le moyen perd son caractère opérant avant que le juge ne se prononce, dans le second cas, le moyen est fondé, mais il est écarté après régularisation.

Autre possibilité de régulariser une situation, c’est de changer la règle avant que le juge ne se prononce.

En principe, la légalité d’une autorisation d’urbanisme s’apprécie à la date à laquelle elle a été accordée (Conseil d’État, 7 mars 1975, Commune de Borderes-sur-L’Échez, n°91411, A).

Mais un permis de construire modificatif permet de se prévaloir de la nouvelle règle et, si cette règle assure la conformité de la construction ou de l’aménagement, de régulariser l’autorisation initiale sans qu’il y ait réelle modification dans le permis modificatif (Conseil d’État, 7 mars 2018, Mme Bloch, n°404079, A).

Même sans permis modificatif, le juge peut tenir compte de ce changement de la règle dans le cadre d’une régularisation ex post sans permis modificatif (Conseil d’État, 3 juin 2020, SCI Alexandra, n°420736, B). Il sursoit alors le temps de marquer un silence et prononce la régularisation puisque cette appréciation a lieu à la date à laquelle il statue.

Or il s’agit d’une situation Mme Bloch ici mais non pas au niveau de la règle qui reste la même mais des circonstances factuelles qui conditionnent l’application de la règle.

L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme impose que les constructions nouvelles soient situées en continuité des zones déjà urbanisées des communes entrant dans le champ d’application de la loi Littoral.

Une zone déjà urbanisée se caractérisant, pour rappel, par un nombre et une densité significatifs de constructions (Conseil d’État, 9 novembre 2015, Commune de Porto-Vecchio, n°372531, A).

Cette appréciation doit avoir lieu à la date à laquelle l’autorité administrative se prononce sur l’autorisation d’urbanisme.

Le Conseil d’État précise cependant que le mécanisme Mme Bloch s’applique également à l’application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme mais pour des changements de fait cette fois : le projet est désormais situé en continuité de zones déjà urbanisées de la commune en raison de la densification du secteur et la prise en compte de ce changement de fait par le biais d’un permis de construire modificatif régularise le permis initial qui était irrégulier sur ce point.

C’est une régularisation ex ante. Cela signifie cependant que le juge pourrait faire une application ex post d’un pareil changement de fait par le biais d’un mécanisme similaire à SCI Alexandra.

Crédit photo: Babelphotographie

Précédent
Précédent

Clap de fin pour l’incomplet qui permet de ménager des délais supplémentaires

Suivant
Suivant

Quand c’est clos, c’est clos !